Louis Lavelle
Le petit livre qu’on va lire exprime un acte de confiance dans la pensée et dans la vie. Pourtant, dans les époques troublées, la plupart des hommes ne se laissent ébranler que par une philosophie qui justifie leur gémissement devant le présent, leur anxiété devant l’avenir, leur révolte devant une destinée qu’ils sont obligés de subir, sans être capables de la dominer. La conscience cherche une amère jouissance dans ces états violents et douloureux où l’amour-propre est à vif et qui, par la secousse même qu’ils impriment au corps et à l’imagination, nous donnent enfin l’illusion d’avoir pénétré jusqu’à la racine même du réel. Ce n’est qu’en apparence que l’on aspire à s’en délivrer ; on redouterait plutôt qu’ils ne fussent jamais assez aigus, comme un poinçon dont le mouvement s’arrêterait court...